Zoom sur le processus créatif de Ërell

En tant que centre d’art urbain, Fluctuart vous emmène à la rencontre des artistes afin de mieux comprendre le processus créatif de ces derniers. Rendez-vous aujourd’hui avec Ërell.

Peux-tu nous rappeler qui tu es ainsi que ta pratique artistique ? 

Ërell, je suis artiste/designer, mon travail est issu du graffiti. Je pratique une forme de « contamination urbaine », qui consiste en l’installation systématique et compulsive de compositions abstraites dans l’espace urbain. En général j’agis spontanément, sans autorisation, en réaction au contexte architectural et viens installer mes compositions en adhésifs découpés sur les murs et le mobilier urbain des villes dans lesquels j’évolue.

Le module que j’emploie résulte du fractionnement d’une forme géométrique simple, l’hexagone, elle-même issue d’une schématisation de mon tag. De cette pratique, j’ai conservé l’énergie qui transforme la typographie en emblème visuel, en logo, modulable et adaptable, mais également le caractère viral, vivant de la multiplication du motif. L’objectif est d’envahir sporadiquement les espaces publics à l’instar des tags qui grouillent sur les murs de la ville et lui donne vie.

En envahissant les rues des villes dans lesquelles j’interviens, je cherche à casser la monotonie de l’aménagement public, ramener de la vie par des interventions plastiques dont le vocabulaire formel est analogue à des formes que l’on trouve dans la nature et modifier l’appréhension qu’ont les passants de l’espace urbain en les invitant à chercher au détour des rues des signes disséminés sur leur passage.
Dans mon travail d’atelier, j’utilise toujours ces formes qui sont ma signature, mon écriture. Elle devient un prétexte à l’expérimentation, me sert à jouer avec les différents matériaux que j’utilise. Il s’agit notamment d’une recherche d’équilibre entre les pleins, les vides, les formes et contre formes que l’on peut également retrouver dans la typographie.

Je fais appel à différentes techniques et savoir-faire (travail du bois, du métal, découpe à l’emporte-pièce, peinture sur du verre ou sur du béton…) notamment acquis durant ma formation de designer.

Ma signature devient alors un prétexte à l’expérimentation plastique et à l’exploration urbaine.

Oeuvre In-Situ, Fluctuart

Quel est ton parcours, comment as-tu commencé à créer ? 

J’ai commencé en Arts Appliqués en 2003 qui s’est avéré être salvateur pour la suite de mes études. C’était à Avignon, ville dont je suis originaire. Durant ces années de lycée, je me suis sérieusement intéressé à la pratique du graffiti que j’exerçais déjà, et par la suite aux travaux d’artistes qui se démarquaient du mouvement par une autre approche de la rue (Zevs, Olivier Stak, Above, Space 3, El Tono, André, L’atlas…). Pendant cette période, j’ai cherché d’autres modes d’expression et de représentation que le lettrage pur et dur en m’intéressant notamment à l’art minimal et à l’utilisation de procédés industriels pour la création d’œuvres d’art. Je suis ensuite entré en BTS Design de produits. À cette époque, je commençais tout juste à développer les motifs que j’utilise actuellement. En 2007, j’ai fait ma première installation avec des motifs découpés aux ciseaux, j’ai recouvert une chambre du sol au plafond et y ai vécu environ 1 an. Après avoir obtenu un CAP d’ébénisterie, je suis entré en 2009 à l’École Supérieure d’Art et de Design de Saint-Étienne. C’est grâce à cet environnement et aux différentes personnes rencontrées durant mon cursus que j’ai pu mettre au point mon mode de production à l’emporte-pièce me permettant d’optimiser mon temps de production pour passer plus de temps dans la rue. En 2011, j’ai fait mon premier festival de street art à Bordeaux, «Interactive Design Festival», organisé par les Grandes Traversées avec pour commissaire d’exposition, Mark Jenkins. C’est à partir de ce festival que j’ai commencé à envahir la rue de mes motifs de façon plus intensive et méthodique. Tout au long de mes études, j’ai continué en parallèle à développer ma pratique dans la rue en me nourrissant du design de façon transversale.  

En 2015, j’ai rencontré Nicolas Laugerro Lasserre et c’est à partir de ce moment que j’ai pu présenter mon travail dans mon premier solo-show chez Artistik Rezo et ainsi approfondir et développer ma pratique d’atelier ….

Au quotidien dans ton travail d’artiste, qu’est-ce qui t’inspire ? Quel est l’élément déclencheur pour la création d’une œuvre ? 

D’une manière générale je travaille en réaction à un contexte. Que se soit dans la rue ou dans mon atelier, le point de départ reste le support. Par exemple pour l’installation créée sur les côtés de Fluctuart, j’ai utilisé le même matériau que sur les façades latérales du bateau afin qu’elle rentre en résonance avec le lieu . Je génère ensuite mes compositions et détermine leurs échelles en fonction de l’espace dont je dispose. Quant aux productions d’atelier je compose en fonction des qualités plastiques et physiques de mon support et de sa construction.

Oeuvre in-situ, base sous-marine de Bordeaux

Peux-tu nous expliquer la manière dont tu construits une œuvre ? Quelles sont les différentes étapes de créations ? 

Ça dépend là encore du contexte, des matériaux ou du support. Par exemple dans la série 120B je commence par récupérer du bois, massif de préférence et je construit un « grille » déterminé par le sens du fil du bois. Cela me permet de poser mes lignes directrices et fait apparaître les lignes de forces. Le fabrication du support est un travail de composition à part entière, je conserve les angles que l’on retrouve dans mes modules qui offrent la modularité de mes éléments graphiques. Ensuite je réalise une maquette numérique d’après photo afin d’apposer et de construire ma composition de motifs et d’opérer les choix de couleurs. Sur le bois j’utilise souvent le bleu, la couleur complémentaire des nuances que l’on trouve dans le bois afin créer une bonne interaction des couleur, par jeux de contrastes colorés. S’y ajoute les plein et les vides pour laisser apparaître la matière afin qu’elle fasse partie intégrante de ma palette de couleurs. Cette méthode est valable pour ce type de pièces mais je travail différemment lorsque je peins sur du métal par exemple. Ici je laisse faire la matière afin qu’elle révèle sa matérialité par des procédés de corrosion que je canalise par mes compositions.

Au début de l’année 2020 j’ai également commencé une série de pochoir sur papier. Pour celle-ci c’est encore différent, car mon but est d’expérimenter les mélanges de couleurs, la transparence, les mélanges optiques, et le travail de texture que l’on peut obtenir en variant la pression exercé sur la bombe de peinture. Pour les derniers que j’ai réalisé, je me suis inspiré de la robe de certain oiseaux pour le choix des couleurs…

Découvrez ci-dessous Ërell, sur Le Mur à Bordeaux

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